Après plus d’une décennie de combat pour la démocratie et contre les dérives des pouvoirs en place, les membres de ce mouvement citoyen pionnier semblent désormais en phase avec le nouveau régime
Le Mouvement citoyen Y en a marre mène depuis plus d’une décennie des combats pour le respect de la démocratie au Sénégal. Mais avec l’avènement du projet incarné par le tandem Diomaye-Sonko qui se veut souverainiste, Aliou Sané, Malal Talla, Kilifeu et Cie n’ont-ils pas obtenu gain de cause avec l’arrivée du Président Bassirou Diomaye Faye au pouvoir ?
«Le 18 janvier 2012. Mais en réalité, c’est un mouvement qui a été créé de manière très spontanée. C’était le 16 janvier, on était dans notre salon, dans ce qui est devenu notre quartier général, parce que le groupe Keur Gui, un groupe de rap qui vient de Kaolack, et moi, avec d’autres amis journalistes, avions l’habitude de nous y retrouver et de discuter, parce que nous sommes des amis d’enfance. On est tous de Kaolack. Alors le 16, on était là, et il y avait 20 heures de coupure d’électricité. Et on était là et on s’est dit: «les gars, on ne peut pas continuer à avoir les bras croisés et regarder toutes ces dérives, cette injustice, sans rien faire». Et la même nuit, on a rédigé une déclaration appelant toutes les forces vives, les jeunes, les marchands ambulants, les ouvriers, les cadres, etc. de tous bords à venir nous rejoindre pour qu’ensemble nous créions ce sursaut salutaire qui va bouleverser la classe politique», avait déclaré Fadel Barro lors d’une interview, pour expliquer la genèse du Mouvement Y en a marre. Après plus d’une décennie d’existence où les camarades du journaliste ont combattu avec véhémence les dérives des régimes des présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, le mouvement Y en a marre est-il à la croisée des chemins avec ce nouveau régime du président Bassirou Diomaye Faye ?
L’avenir du mouvement citoyen qui a inspiré tant de pays en Afrique n’est-il pas d’exercer le pouvoir avec l’actuel gouvernement ? Les questions méritent manifestement d’être posées. En effet, avec les régimes de Wade et de Sall, le mouvement Y en a marre a toujours combattu des principes sans entrer dans des considérations partisanes, refusant de porter les combats d’un homme politique à l’époque. La ligne de démarcation était bien lisible.
Mais force est de dire que dans l’affaire Adji-Sarr-Sonko, les bouillants activistes n’ont pas hésité à prendre fait et cause pour l’ex inspecteur des Impôts tout en dénonçant par la même occasion les dérives autoritaires du Président Macky Sall. Et si le «Projet» du Pastef est arrivé à bon port politique, c’est grâce sûrement à l’abnégation des militants de cette formation politique mais aussi au soutien de membres de la société civile comme le mouvement Y en a marre dont les membres ont eu maille à maintes reprises à partir avec la justice à cause de leur indéfectible soutien à Ousmane Sonko. Ensuite, il faut souligner les similitudes idéologiques entre ces deux dynamiques sociales. Antisystèmes, panafricanistes… Y en a marre et le Pastef au pouvoir «voient» le monde de la même façon.
À cela s’ajoute aussi la propension des membres du Mouvement Y en a marre à franchir le Rubicon et s’engager en politique. L’emblématique coordinateur Fadel Barro a déjà fait sa mue. Il était candidat aux dernières élections locales et législatives. Le tonitruant rappeur et non moins chroniqueur à la TFM Mala Talla ne cracherait pas les années à venir sur une candidature à la mairie de Guédiawaye eu égard à son aura dans cette partie de la banlieue dakaroise où il aide beaucoup de jeunes, à travers la musique, à sortir de la délinquance. Dans tous les cas, l’avenir nous édifiera sur le positionnement politique de ce mouvement citoyen historique, mais visiblement, c’est un actionnaire avéré du «Projet».