Une des figures marquantes de l’échiquier politique sénégalais vient ainsi de tirer sa révérence. Avec la mort de Tanor Dieng, se clôt un volumineux chapitre d’une haletante histoire contemporaine. Celle-ci plonge ses racines dans la tumultueuse vie du parti socialiste dont il fut le porteur du flambeau lorsque le Président Abdou Diouf, défait à l’élection présidentielle de 2000, a quitté le pouvoir.
L’homme était taiseux. Pas un rictus ne se lisait sur son lisse visage. Il dominait ses sentiments et affectait en public tout au moins d’afficher la sérénité et d’apparaître sobre dans le propos. Jeune diplomate formé à l’ENAM, il cheminait vers la chancellerie où sa plume et ses notes de synthèse faisaient le bonheur de ses supérieurs hiérarchiques.
Le président Senghor, méticuleux et exigeant, cherchait l’oiseau rare pour venir à ses côté en mission. Le nom de Tanor Dieng lui fut proposé. Commence alors pour l’enfant de Nguéniène une carrière à la fois discrète et scintillante. Le président poète part arrive Diouf qui adoube Tanor et en fait son principal collaborateur. L’intéressé stupéfie le microcosme politique dakarois par son efficacité, son sens élevé de l’organisation et de l’anticipation formant avec feu Bruno Diatta une merveille de duettistes au Palais présidentiel.
L’oiseau rare
Ensemble, ils enchaînent les succès diplomatiques pour le compte du pays sous le magistère de Diouf. Appréciant la qualité du travail accompli par les deux, il décide de les promouvoir. Tanor devient ministre d’Etat, en charge des Affaires présidentielles. Il prend goût au pouvoir qui imprègne sa vie professionnelle et découvre la politique sous l’aile de son mentor. Il n’a pas pris l’ascenseur pour se hisser au sommet.
En empruntant plutôt l’escalier pour y arriver, il découvre la politique et ses avatars, pèse et soupèse la sincérité des hommes et leur vanité, leur couardise, leur lâcheté, les petites ambitions, les mesquineries et les combines. Sa distance est perçue par certains comme une froideur. Il est combattu. Il tient, résiste et part à l’offensive convaincu que la politique est un combat souvent livré par armes non conventionnelles. Tanor s’en désole. Djibo Ka, l’enfant terrible du parti quitte à son tour le navire suivi plus tard de Moustapha Niasse. Deux poids lourds dont le départ est négligé par le puissant ministre d’Etat qui prononce hélas la malheureuse phrase : « je ne retiens pas ceux qui partent ! ».
Mais que faire alors ? « Le Sénégal est comme ça », disait-t-il assez souvent dans un haussement d’épaules qui cache mal son embarras. Pour autant, il ne change pas de trajectoire quand Diouf s’en va. Il reprend le parti abasourdi par la défaite et ne fait guère d’illusion : beaucoup s’en iront. Et il dira plus tard, dans un langage fleuri de litotes que se sont les « feuilles mortes qui se détachent de l’arbre. » Le mal est fait.
Le rapprochement avec Macky Sall
Le parti socialiste ne se remet pas de ce coup porté. En revanche, avec Tanor à sa tête, l’aggiornamento est entamé : le parti se transforme, opère des changements, réarticule son organigramme, de nouvelles têtes apparaissent, la jeunesse s’affirme, les noyaux se consolident en fiefs politiques et le maillage du pays revigore les dirigeants ainsi que les instances. Les angles d’incertitude se réduisent pas les vicissitudes toutefois qui, elles, ont la vie dure.
D’autres dissensions se font jour. Par une analyse assez osée donc risquée, il tire des leçons des différentes participations du Parti socialiste aux élections (locales, législatives, présidentielles) pour arriver à la conclusion que plus aucune formation ne peut à elle seule gagner un scrutin. Le temps des alliances a sonné. Cette vision n’a pas l’heur de plaire. Elle est rageusement pilonnée. Lui maintient le gouvernail et se rapproche de la coalition Macky 2000 puis, ensemble, dans Bennoo, remportent la mère des batailles : la présidentielle de 2012 qui élimine, contre toute attente, Abdoulaye Wade.
Le reste est connu. Il se rapproche du nouveau président, Macky Sall qui ne cache pas ses options libérales mâtinées de social mais se réjouit de compter au nombre de ses alliés Tanor Dieng, qui passe pour être l’un des hommes les plus renseignés, les plus informés et les plus qualifiés de la planète politique Sénégal. Son long compagnonnage avec Macky s’explique par ce cheminement et quand plus tard, l’actuel président et l’ancien, Abdou Diouf, affichent une ostensible proximité, Tanor en fut un discret artisan.
Le Sénégal perd en lui un valeureux fils qui a servi l’Etat avec loyauté. Dieu, seul, détient les clés de la longévité.
`
Le Groupe E-Media INVEST présente à la classe politique, au Parti socialiste, aux compagnons et à la famille de Tanor Dieng ses sincères condoléances.