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DOSSIER: ÊTRE JEUNE ET ACTIVISTE AU SÉNÉGAL : L’AUTRE FACE D’UN CHOIX DE VIE

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Entre rejets, menaces et craintes à propos de leur avenir, les activistes vivent le calvaire dans leur choix de vie parfois incompris. Emedia en a rencontré deux d’entre eux, pendant qu’ils s’apprêtaient à accueillir Guy Marius Sagna, le plus célèbre. Bentaleb Wow et Bamba Cissé nous content les revers de leurs vies d’activistes.

Vendredi 16 août 2019, Guy Marius Sagna va sortir d’un moment à l’autre de la maison d’arrêt de Reubeuss. L’activiste a bénéficié d’une liberté provisoire après son face-à-face avec le doyen des juges. Devant la prison, une vingtaine d’activistes du « mouvement Frapp / France dégage » et des « gilets rouges » l’attendent, impatiemment. Parmi eux, Bentaleb Sow, la vingtaine, sobrement vêtu, en blue jean et polo multicolore.

Autant que Guy Marius Sagna qu’il est venu chercher, la prison de Reubeuss est un endroit qu’il connait bien. En effet, ce jeune activiste a été arrêté en 2017 avec l’autre célèbre activiste, Kémi Séba, pour avoir brûlé en public un billet de 5000 francs CFA. C’était lors d’un rassemblement à Dakar contre cette monnaie que lui et ses pairs assimilent à une expression de la domination de la France sur l’Afrique. C’est ainsi que Bentaleb Sow s’est retrouvé en prison. Tout comme l’activiste franco-béninois et afro-centriste, il est accusé de « destruction volontaire et publique d’un billet de banque ». Les deux hommes seront finalement libérés. Kemi Séba a quitté le sol sénégalais, Bentaleb Sow, lui est resté au pays. Depuis cette histoire le jeune Sow tente de reconstruire sa vie mais son passage en prison lui colle à la peau.

« A cause de mon activisme, j’ai été renvoyé de l’université »

« Etre jeune et activiste, c’est carrément sacrifié sa jeunesse » nous dit-il. « A l’université par exemple, tu as l’impression d’être différent des autres, tu es vu d’un mauvais œil », se désole l’activiste. Il poursuit, partageant ses expériences : « Alors que j’étais à l’UCAD, un de mes professeurs m’a demandé de renoncer à mes activités d’activiste car il estimait que j’étais trop jeune pour ce genre de choses et que l’Etat nous surveille même jusque dans les universités. Je n’avais pas pris en compte ses conseils. Finalement à cause de mon activisme, j’ai été renvoyé de l’université » regrette-t-il.

Mais au-delà des mésaventures au plan éducatif ou professionnel, être jeune activiste à des répercussions au plan social. La plupart des membres de leurs familles ont du mal à accepter leur choix. C’est le cas de Bamba Cissé, étudiant à l’UCAD. Il n’est ni membre du mouvement « Frapp / France dégage » ni « gilet rouge », mais Bamba se considère activiste. C’est pourquoi il est venu à la prison de Reubeuss pour soutenir Guy Marius Sagna. Assis sur son scooter, le casque bien fixé sur sa tête, le jeune nous raconte sa vie d’activiste. « Si nous sommes activistes, ce n’est pas pour de l’argent ou pour faire de la politique politicienne, il s’agit de mener des combats pour nos peuples. Mais beaucoup de gens ne nous comprennent pas » se désole Bamba Cissé, au moment où les activistes sont également vus comme des jeunes désœuvrés à la quête de reconnaissance, de buzz.

« Ma copine m’a quitté quand elle a su que j’étais activiste »

Mais contrairement à Bentaleb, lui, est dans une université privée à Dakar donc, il n’a pas peur pour ses études. Tant qu’il paie. En revanche, Bamba Cissé à souvent des problèmes avec des proches et autres membres de sa famille. Certains lui demandent de renoncer à ses activités. « Il m’arrive de faire des publications sur Facebook. Mais, ce sont des amis ou des proches qui appellent ma mère pour l’informer. Ils lui disent de me demander de faire attention car, je risque d’être fiché par les autorités et de ne pas avoir d’emploi. Or avec ce genre de mentalité, le pays ne va pas avancer » martèle-t-il.

Bentaleb, lui aussi, a des rapports plus ou moins compliqués avec des proches qui ne partagent pas sa vision des choses. Il raconte que sa petite amie l’a quitté quand elle a su qu’il était activiste. D’un ton taquin, il nous confie que « sa copine lui a envoyé un SMS pour lui faire savoir qu’elle rompait leur relation puisse qu’il ne voulait pas arrêter ses combats ». Une anecdote qui renseigne encore à suffisance à quel point les activistes sont mal vus et subissent le poids de la pression sociale.

L’alternative de l’entreprenariat

Et face à toutes ces difficultés, l’entreprenariat semble être la seule solution pour être autonome et indépendant. C’est du moins l’avis du jeune activiste Bentaleb Sow. Il pense qu’être activiste « c’est faire une croix » sur beaucoup de choses. Pis, il estime que « quand on est activiste on ne peut pas travailler dans une entreprise étrangère surtout française. Or, selon lui la plupart des sociétés dans le pays sont entre les mains des capitaux étrangers. »

La seule alternative pour Bentaleb, c’est donc l’entreprenariat. D’ailleurs, actuellement, il se définit comme un « infographiste freelance ». Concernant ses études, il ne baisse pas pour autant les bras. Il compte s’inscrire dans une université privée. Mais Ben comme l’appelle certains, est conscient que ce ne sera pas facile. Son lourd passif d’ex détenu de Reubeuss risque de tout faire tomber à l’eau à nouveau.
emedia
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