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Micro ouvert – Aïcha Macky, réalisatrice nigérienne : «Nous sommes en train de faire du cinéma avec presque rien»

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Son écharpe d’ambassadrice de la paix en bandoulière, la réalisatrice nigérienne, Aïcha Macky, est la marraine du Yennenga Academy de cette année. A ces jeunes qui aspirent à suivre le parcours de cette réalisatrice multiprimée, elle leur conseille de continuer à suivre le chemin tracé par les aînés.

Vous êtes la marraine du Yennenga Academy. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Etre la marraine de ce réceptacle de talents africains, c’est un honneur pour moi, mais aussi une grosse responsabilité, parce que je pense que c’est une sorte de signal fort, de célébration disant qu’on est un modèle et que les jeunes peuvent s’en inspirer. Donc, ça me fait énormément plaisir de savoir que quelque part mon travail est reconnu, et ça montre aussi que j’avance dans ce que je fais. Si je suis passée de quelqu’un qui allait au niveau de ces rencontres comme le Yennenga Academy à quelqu’un qui va les inspirer, cela prouve qu’il y a eu du chemin qui a été parcouru. J’ose croire que ça va continuer parce que nous avons besoin de rencontres comme celles-là sur le continent, et ce que j’ai vu comme pépites, des jeunes qui aspirent à faire du cinéma ou qui sont déjà en train d’en faire, et qui espèrent continuer, c’est un signal fort que l’Afrique est capable, a des possibilités, et qu’il y a des gens qui vont parler de cette Afrique de l’intérieur et qui s’ouvrent au monde pour aller raconter l’Afrique, mais aussi écouter ce qu’il y a de meilleur dans les autres nations avec lesquelles nous collaborons.

Et quel message avez-vous donné à ces jeunes ?
A tous ces jeunes, j’ai tenu à leur dire que quand on commence, ce n’est pas évident. Il y aura toujours des gens qui vont vouloir vous faire comprendre que vous n’en êtes pas capable. S’il y a quelque chose d’intéressant dans la vie, c’est de suivre ses règles, mais tout en étant réaliste et en ayant des possibilités à sa disposition. J’ai tenu à dire à ces jeunes qu’ils ont une grosse responsabilité, celle de continuer ce que nous avons commencé, nous qui sommes les aînés des cadets et les cadets des plus vieux. Les grands ont pu faire en sorte que le chemin soit balisé. Donc ils ont la responsabilité de continuer là où nous sommes en train d’aller, pour que d’autres générations leur emboitent le pas aussi.

Faire du documentaire, ça n’a jamais été facile, peut-être plus avant que maintenant. Sur cette expérience-là, qu’est-ce que vous pouvez dire à ces jeunes cinéastes ?
Je pense qu’on a quand même des opportunités, parce qu’il y a des fonds qui sont en train d’être ouverts au niveau de nos Etats. C’est en ce sens qu’il est important de leur faire comprendre qu’ils ont une chance que d’autres n’ont pas eu. C’est quelque chose à mettre à leur actif. C’est une opportunité de travailler entre eux, de collaborer entre eux, de travailler d’Etat à Etat. Ne pas seulement travailler dans son pays, mais aller aussi vers d’autres pays africains pour cette collaboration qui va leur permettre d’avoir accès à des techniciens de qualité, mais aussi à des fonds.

Sur cette question de la création de fonds, quelle est la situation au Niger ?
Très malheureusement, au Niger, nous n’avons pas un fonds très clairement axé cinéma. Nous sommes en train de nous battre pour l’avoir et nous sommes en train de faire du cinéma avec presque rien, voire rien du pays. Notre grand souhait, c’est que le pays soit reconnaissant par rapport à ce que nous faisons et surtout qu’il nous renvoie l’ascenseur. Parce que, qui fait du cinéma en allant chercher de l’argent un peu partout dans le monde alors que c’est son pays qui est en train d’être hissé, je pense que l’état a le devoir de nous renvoyer l’ascenseur.

Dans vos films, vous travaillez sur les réalités de nos sociétés et c’est un peu la dimension importante du documentaire, qui est de mettre le doigt là où ça fait mal…
Tout à fait. C’est un travail que l’on est en train de faire, parfois en se mettant totalement en danger. Parce que parfois, certaines réalités, quand on les rencontre, ça fait mal. Il n’y a pas beaucoup de gens qui sont prêts à écouter certaines vérités. Et quand on montre l’envers du décor alors que les gens sont plus enclins à montrer ce qui marche bien et que nous nous faisons le devoir d’être la voix des sans voix mais aussi des gens qui font un travail d’investigation pour dire aux familles que ça ne va pas ou pour dire aux autorités qu’elles ont failli, c’est énorme comme travail. Et c’est un engagement personnel et parfois c’est un engagement pour la communauté, pour nos pays. Mais ce n’est pas toujours apprécié. On s’est engagés à le faire et on va continuer de le faire parce qu’on sait que ce que nous faisons est utile pour nos pays, utile pour nous-mêmes. Quand on parle de soi et qu’on donne la chance à ceux qui ne peuvent pas parler d’eux-mêmes, c’est un travail énorme, utile. Et j’exhorte les gens qui font du documentaire à continuer sur cette lancée. On a besoin de nous dans nos communautés, dans le monde.

Est-ce que faire du documentaire chez vous, sur des sujets aussi sensibles que l’infertilité dans les couples ou les problèmes de la jeunesse, vous ont créé des inimitiés ?
Ça ne peut pas manquer. Souvent, vous êtes présenté comme quelqu’un qui parle mal de son pays, quelqu’un qui devrait montrer la beauté des choses. Alors que non, il n’y a pas que la beauté. La beauté, elle se raconte elle-même souvent. Mais le laid, on le cache, alors qu’on devrait mettre le doigt dessus et dialoguer. C’est le dialogue qui permet de trouver des solutions aux problèmes.

Vous étiez ambassadrice de la paix au dernier Fespaco. Avec ce contexte sécuritaire et un thème axé sur Cinéma et culture de la paix, quel message aimeriez-vous lancer ?
Le message, c’est à l’endroit de tous les créateurs. Nous sommes dans un festival de cinéma, mais tous les arts réunis sont capables d’amener le discours de la paix aussi loin que possible. Cette thématique vient à point nommé parce que nous sommes dans un Sahel qui est en proie à des attaques terroristes, des violences. Voir des films qui portent ce message, je parle de notre film L’envoyée de Dieu de Amina Abdoulaye Mamani, Sira de Apolline Traoré, comme par hasard ce sont des femmes, et ces femmes sont mises au-devant de la scène, il y a un message quelque part. La paix, on va la construire ensemble, avec chacun de nous, les hommes et les femmes du contient. Pour qu’il y ait la paix au Sahel et dans le monde.

Après Zinder, quels sont vos projets ?
Actuellement je suis en train de travailler sur un projet documentaire qui porte sur la polygamie, et qui s’intitule Une tranche d’amour.

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