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Gouvernement scolaire : ce puissant incubateur de démocratie et de citoyenneté

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Gouvernement scolaire : ce puissant incubateur de démocratie et de citoyenneté

Au Sénégal, à partir de 2010, ont été créés, dans les collèges et lycées, des gouvernements scolaires à la place des foyers socioéducatifs. Ils constituent des cadres d’apprentissage de la démocratie, de la citoyenneté, d’une culture de paix et de droits humains.

Cem Scat Urbam. Dans la cour de l’école, des arbres bien taillés avec des fleurs ornent le décor. Aucun papier, aucune feuille ne traine. Le cadre est accueillant. En ce lundi 11 janvier 2021, le rassemblement est à 7h 40. Les élèves forment des groupes aux côtés de leurs enseignants, en face d’eux, le drapeau national flottant sur son mât sous le léger vent. C’est le moment de procéder à la levée des couleurs comme tous les lundis. Un moment solennel et privilégié dans la vie de l’établissement. Dans ce collège, la levée des couleurs est inscrite au rang de priorités dans les activités scolaires et para scolaires. L’établissement s’est singularisé également dans la création des gouvernements scolaires. Selon l’Inspecteur de l’éducation et de la formation (Ief) de Guédiawaye, Yaya Coly, les gouvernements scolaires sont des organes de gestion, de formation et d’apprentissage aux valeurs citoyennes et de promotion de la démocratie. Leur mise en place relève d’une décision des autorités éducatives, à travers la circulaire du ministère de l’Éducation nationale du 16 octobre 2010. Cette mesure, explique-t-il, est née d’un constat partagé par les acteurs de l’école : « les foyers socioéducatifs des établissements ne remplissaient plus leur fonction d’éducation, de sensibilisation et de promotion de la culture ». Les autorités scolaires et les parents d’élèves ont constaté que dans les activités des foyers socioéducatifs, le ludique et le récréatif prenaient le dessus sur le pédagogique, et des dérives étaient souvent constatées. C’est pourquoi, il était devenu urgent d’initier de nouvelles formes d’organisation de la vie scolaire pour asseoir la culture de la paix, de la réussite, de l’éducation à la citoyenneté, des droits humains, de la démocratie et de la diversité. C’est ainsi que les gouvernements scolaires ont été créés dans les collèges et les lycées du Sénégal.

De l’avis de Yaya Coly, l’Ief de Guédiawaye, les gouvernements scolaires devaient être des structures complémentaires à l’enseignement général, un cadre où chaque élève pourra faire l’apprentissage de la démocratie et de la tolérance, mais aussi une école de la rigueur et de la transparence dans la gestion. « Le gouvernement scolaire est un espace de formation et d’apprentissage ; mais aussi un cadre de socialisation où les élèves apprennent à être de bons citoyens responsables, de bons leaders. Il est organisé et fonctionne selon des règles, des principes et des orientations », explique Badou Ndiaye, président du gouvernement scolaire du Cem Darou Salam de Guédiawaye.

Une sélection rigoureuse est faite pour le choix des membres du gouvernement scolaire dans un collège ou lycée. Selon El Hadji Amadou Guèye du Cem Darou Salam de Guédiawaye, le délégué doit avoir une moyenne annuelle supérieure ou égale à 10/20. En plus, explique-t-il, celui-ci doit être discipliné et n’avoir jamais redoublé de classe. «Chaque classe présente deux délégués en respectant la parité (fille et garçon). Ces délégués, une fois choisis, vont représenter leur classe dans le gouvernement scolaire. Ils seront formés sur le processus électoral et sur d’autres thématiques comme le civisme, la paix, la tolérance, l’acceptation de l’autre, le leadership, la rédaction administrative », explique M. Guèye.

L’exercice du suffrage universel direct

L’inspecteur Yaya Coly, dont la circonscription a une grande expérience des gouvernements scolaires, indique que le choix des représentants des élèves se fait sur la base d’une élection au suffrage universel direct pour les délégués des classes et au suffrage universel indirect pour les présidents de gouvernements scolaires. «Durant tout le processus, l’accent est mis sur la formation des élèves, l’accompagnement des professeurs encadreurs et la mise en place de situations de vie qui permettent aux apprenants de se familiariser avec les institutions de la République (Conseil constitutionnel, Assemblée nationale, Présidence de la République, Gouvernement), de respecter les symboles de la République, le cadre de vie immédiat (le collège), d’être installés dans la culture de la non-violence et de l’excellence », renseigne M. Coly. Selon lui, une fois admis dans le collège des dirigeants (présidents, ministres), l’apprenant doit maintenir les performances qui ont présidé à sa nomination (pour les membres du conseil constitutionnel) ou à son élection (pour les présidents de gouvernements scolaires).

Au sein des gouvernements scolaires, des enseignants sont choisis pour assurer l’encadrement. Au Cem de Darou Salam de Guédiawaye, El hadji Amadou Guèye, professeur de mathématiques et de physique-chimie a été choisi pour encadrer le gouvernement scolaire de son établissement. À l’en croire, son travail consiste à encadrer les élèves dans le processus de mise en place du gouvernement scolaire, de les former sur le leadership et le sens de la responsabilité. Il souligne que le professeur est aussi un relai entre les élèves et l’administration.

Au Cem Scat Urbam, c’est Abass Athie, professeur de mathématiques qui, depuis 2006, fait office d’encadreur du gouvernement scolaire. Il explique que cette forme d’administrer et d’accompagner les élèves est une véritable école de formation, d’échange et de solidarité. « Grâce au gouvernement scolaire, les élèves parviennent à mieux s’exprimer et à participer aux différentes initiatives prises par le conseil et l’administration scolaire », confie-t-il.

Dans la circonscription de Guédiawaye, les 11 Collèges d’enseignement moyen (Cem) sont dotés de gouvernement scolaire. Leur fonctionnement a impacté positivement sur la stabilité dans les écoles et les résultats scolaires, a indiqué M. Coly. « À Guédiawaye, le modèle en place met l’accent sur la qualité de la participation, l’apprentissage du respect des règles établies de commun accord, la préservation d’un espace de paix dans les collèges et la culture de l’excellence », affirme l’Ief. Les gouvernements scolaires sont fonctionnels depuis 2016.

Au-delà de la pédagogie, l’animation de la vie scolaire

Le gouvernement scolaire joue plusieurs fonctions au sein de l’établissement. Il est un organe qui représente les élèves au Conseil de gestion de l’établissement. C’est aussi l’instance intermédiaire entre l’administration et les élèves. Ces membres siègent dans le Conseil de gestion de l’école et assurent l’animation de la vie scolaire. De l’avis de l’inspecteur Coly, la mise en place du gouvernement et son bon fonctionnement peuvent être des garants de stabilité pour un établissement. « Les élèves ont le sentiment d’être impliqués dans la vie de l’établissement et cela est important », estime-t-il. Le gouvernement scolaire permet de développer également une culture de l’excellence, selon M. Coly. Pape Coly NGOME

Badou Ndiaye, président du gouvernement scolaire du Cem Darou Salam :

«Nous avons opéré une rupture par rapport aux foyers socioéducatifs»

Dans son format actuel, le gouvernement scolaire joue un rôle pédagogique et de formation. « Un changement de paradigme par rapport aux anciens foyers socioéducatifs », soutient Badou Ndiaye, président du gouvernement scolaire du Cem Darou Salam de Guédiawaye. Dans le département de Guédiawaye, par exemple, le modèle a créé de jeunes leaders scolaires responsables à l’image de Badou Ndiaye. Il dirige l’association des gouvernements scolaires du département de Guédiawaye. Elève en classe de 4ème, il a été élu à trois reprises à la tête de cette structure par ses pairs. Petit par la taille, teint noir, le verbe facile, le jeune Badou, âgé de 14 ans, force le respect et l’admiration. Son engagement et sa détermination font de lui un leader incontesté. Mme Diouf, son principal et El hadji Amadou Guèye, son professeur-encadreur, retiennent de lui, un jeune discipliné et travailleur. «Le président du gouvernement scolaire n’est pas le dirigeant, il n’est pas non plus le meilleur des meilleurs, c’est un guide, un facilitateur. Son rôle consiste à soutenir, à accompagner et à superviser une équipe dont il est membre », déclare Badou Ndiaye.

En plus d’être le président du gouvernement scolaire de son établissement (Cem Darou Salam), Badou est aussi président des 11 gouvernements scolaires du département de Guédiawaye. Un sacre qu’il a pris avec modestie et responsabilité. «Notre collège Darou Salam a été désigné établissement le plus propre de Guédiawaye grâce à un gouvernement scolaire dynamique, surtout dans la prise en charge du volet environnemental, à travers des actions d’assainissement, de reboisement et d’entretien des arbres de l’école », dit-il.

CEM SCAT URBAM

Pionnier des gouvernements scolaires

Dans la région de Dakar, le Cem Scat Urbam est l’un des premiers établissements scolaires à mettre en place un gouvernement scolaire dynamique.

Avant la circulaire ministérielle de 2010, autorisant la création d’un gouvernement scolaire dans chaque établissement, le Cem Scat Urbam avait déjà installé le sien en 2006, sous la supervision du personnel enseignant. Ses activités phares comme le civisme et la citoyenneté lui ont valu un prix, décerné par le Service civique national, en 2014.

Selon Abass Athie, professeur de mathématiques et encadreur du gouvernement scolaire de l’établissement depuis 2006, la levée des couleurs constitue un prétexte pour enseigner la citoyenneté et le civisme aux élèves. « C’est à travers la cérémonie de levée des couleurs que les aspects relatifs au respect des symboles de la République, la compréhension et le respect de l’État et de ses démembrements sont enseignés», indique le professeur-encadreur Athie.

M. Athie affirme que cette forme d’administrer et d’accompagner les élèves est une « véritable école de formation, d’échange et de solidarité ». « Grâce au gouvernement scolaire, les élèves parviennent à participer aux différentes initiatives prises par le conseil et l’administration », dit-il.

Cependant, avec la pandémie de coronavirus, beaucoup d’activités du gouvernement scolaire sont au ralenti. Mais Abass Athie soutient que les activités seront adaptées au contexte de la Covid-19. Il a annoncé un réaménagement des programmes pour prendre en charge certaines questions liées à la pandémie. Il cite, entre autres, le respect des mesures barrières et du protocole sanitaire dans les écoles et dans la vie sociale. P. C. NGOME

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