Fespaco 2023 – Centenaire de Sembène : Hommages à foison sur l’aîné des anciens

Chaque année, les festivaliers de Ouagadougou honorent les anciens par un tour de la fraternité. Cette année, centenaire de Sembène Ousmane oblige, la commémoration s’est poursuivie par une procession en hommage à «l’aîné des anciens».
(Envoyée spéciale à Ouagadougou) – C’est un rituel attaché au Fespaco. La cérémonie des libations est un moment pour commémorer et célébrer les cinéastes disparus. Cette année encore, le rituel a été respecté et les membres de la cour royale du Moro Naaba, le chef traditionnel de Ouagadougou, ont versé de l’eau pour saluer les mânes des ancêtres. «Nous sommes des Africains et on ne rentre pas sur une terre sans faire allégeance aux esprits des ancêtres. A Ouagadougou, règne un monarque, le Moro Naaba. L’Africain croit en Dieu et à tous les éléments de la nature», explique le comédien burkinabè, Gustave Sorgho. La cérémonie, initiée par Sembène et ses compagnons des premières heures, est devenue une tradition incontournable. Et selon le professeur Massamba Guèye, elle est évocatrice pour un Sembène qui est né à Rufisque, dans une communauté où les libations sont un appel à la protection, une sacralisation qui rassemble tous les rites africains. «C’est une cérémonie profane qui rappelle notre ancrage, notre lien à la nature, à l’eau, au fleuve et que nous devons nous souvenir de nos ancêtres.» Venu présenter son film Xalé en compétition pour l’Etalon d’or du Yennenga, Moussa Sène Absa est étreint par la nostalgie. «C’est toujours des souvenirs, voir des gens qui manquent à l’appel, des gens qui nous ont fait rêver, qui nous ont apporté l’envie de raconter des histoires, d’être notre propre historien. Quand je vois toute ma génération et celle d’après, ensemble, la main dans la main, autour de ce monument, ça me fait plaisir», dit-il au terme des deux tours de la fraternité, pendant lesquels jeunes cinéastes et aînés se sont donné la main pour faire le tour du monument des cinéastes sur lequel sont gravés les noms des disparus. «Producteurs, scénaristes, comédiens, comédiennes, vous nous avez quittés certes, mais vos images, vos écrits resteront des empreintes fortes, témoins de votre passage sur cette terre et du combat mené pour la renaissance africaine», lance le président de la Fédération africaine des cinéastes, le Malien Cheick Oumar Sissoko.
Si certains en sont à leur première cérémonie, d’autres y viennent depuis des lustres. Mais tous gardent des souvenirs vivaces de l’homme qu’était Sembène, mais surtout du cinéaste qu’il était. Actrice au talent reconnu, Maïmouna Ndiaye a croisé une ou deux fois le cinéaste au Fespaco après avoir découvert ses films qui, selon elle, étaient tous des leçons de cinéma. «Il faisait de vrais films, ce n’était pas du numérique, donc il prenait le temps. Jusqu’à présent, ses films n’ont pas vieilli au niveau des thématiques comme des images. Et surtout dans la direction d’acteur. Avec le numérique, les gens ne prennent pas le temps de préparer les personnages, de répéter, et les réalisateurs ne prennent pas le temps d’expliquer comment incarner un personnage.»
Un buste de Sembène au siège du Fespaco
Cette année, avec le centenaire du cinéaste sénégalais, ce sont plusieurs évènements du Fespaco qui lui rendent hommage. A l’initiative de la Fédération africaine des cinéastes (Fepaci), une procession s’est ébranlée en direction du siège du Fespaco, où un buste de Sembène a été dévoilé. Situé à l’entrée du siège de la Délégation générale du Fespaco, le buste, réalisé par le sculpteur Siriki Ki, a été dévoilé au terme d’une cérémonie sobre, en présence de l’ambassadeur du Sénégal au Burkina Faso et des ministres malien et burkinabè de la Culture. ÉEtait également présent, Alain, le fils de Sembène. Un fils comblé devant les hommages que le Faso réserve à son père. «Au moment de son décès, il y avait une statue et aussi une avenue Ousmane Sembène. Je me rappelle que le ministre de la Culture, Philippe Sawadogo, avait dit que l’Avenue Sembène commençait ici à Ouaga et allait jusqu’à la frontière du Ghana et que Sembène ne pouvait pas être plus petit que ça. Donc, beaucoup d’émotion et je suis aussi étonné qu’ils lui rendent hommage encore. Chaque fois que je viens au Burkina Faso, j’ai le cœur très chaud. Ils ont beaucoup d’amour pour mon père, beaucoup d’affection et de respect. C’est vrai qu’il y a eu des hommages partout dans le monde, mais ici, c’est particulier, et à chaque fois, je suis étonné et content. Je pense que lui-même n’aurait pas imaginé un tel hommage.»
A la suite des cavaliers traditionnels, c’est une longue file de gens qui a arpenté l’avenue qui mène au siège du Fespaco. Auparavant, le tour de la fraternité s’est effectué devant une large banderole sur laquelle figurent les noms et visages des personnalités marquantes du cinéma africain qui nous ont quittés. Le producteur et réalisateur camerounais, Dieudonné Alaka, récemment disparu, Charles Foster ou encore Bouna Médoune Sèye et tant d’autres.
Par Mame Woury THIOUBOU – mamewoury@lequotidien.sn