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Le miracle qatari en une décennie : Premier pays à être éliminé du tournoi et gagnant de la Coupe du monde 2022 !

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C’est le jeudi 2 décembre 2010 que l’Emirat du Qatar fut officiellement désigné pays hôte de la 22ème édition de la Coupe du monde devant les Etats-Unis, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie. En 2010 aussi, le Qatar était à la 112ème place au classement Fifa des meilleures sélections nationales pour le football masculin et disposait seulement d’un stade aux standards de la Fifa avec une faible culture footballistique.

Une telle situation nous montre clairement que l’atout du Qatar ne se situait pas au niveau de ses capacités infrastructurelles en 2010 à abriter la Coupe du monde, mais résidait plutôt dans son potentiel à satisfaire les préalables pour l’organisation du plus grand événement sportif mondial en l’espace de douze ans. Ainsi, le Qatar est devenu le premier pays arabe à organiser ce prestigieux rendez-vous mondial qui, à coup sûr, contribuera à redéfinir la composition de son champ lexical dont les mots-clés étaient pétrole, gaz, hydrocarbures, huiles, désert, etc.

Rappelons que le Qatar est un émirat du Moyen-Orient d’une superficie de 11 586 km2 et d’une population de 2,9 millions d’habitants dont seulement 10% de Qataris. En termes de Pib par habitant, le Qatar est classé 4ème pays le plus riche au monde et 2ème en Asie derrière Singapour. Voilà quelques éléments sur le profil du pays hôte du Mondial 2022.

En effet, l’organisation de la Coupe du monde, un événement planétaire, constitue un défi énorme pour les pays par le fait qu’elle les expose sur différents plans, partant des lourdes dépenses jusqu’au défi sécuritaire qu’elle engendre, en passant par l’impact multiforme sur les peuples malgré les diverses retombées qu’elle peut générer.

En guise d’exemple, la Russie a dépensé environ entre 6700 et 8600 milliards de francs Cfa et a eu 9200 milliards de francs Cfa de retombées lors de la Coupe du monde de 2018. Le Brésil a mis plus de 7400 milliards de francs Cfa dans l’organisation du Mondial 2014 et en a récolté plus de 8000 milliards de francs Cfa. En 2010, l’Afrique du Sud a dépensé 2200 milliards de francs Cfa (3,6 milliards de dollars) pour l’organisation du tournoi quadri annuel et revendique un impact considérable sur son économie et sa population.  Pour la Coupe du monde 2022, tenez-vous bien, le Qatar a investi 136 000 milliards de francs Cfa (selon Euronews) dans l’organisation de la prestigieuse compétition (soit 220 milliards de dollars) et attend entre 9000 et 12 000 milliards de francs Cfa de recettes attendues, soit moins de dix fois l’investissement consenti pour abriter cet événement mondial. En d’autres termes, le Qatar a mis dans l’organisation de la Coupe du monde 2022, plus de 20 fois le budget du Sénégal pour l’année 2023.

En réalité, quand on gagne moins qu’on investit dans un événement ou quand on revend plus bas que le prix d’achat d’un produit, on peut bel et bien parler d’échec ou de perte. Sauf que cette hypothèse n’est valable que lorsqu’on est dans une logique commerciale et financière. Cependant, pris sous l’angle d’une logique économique et d’investissement public, les notions d’échec et de perte seraient inappropriées.

En effet, il est important d’avoir une idée précise de la nature des investissements réalisés au Qatar en l’espace de 12 ans, avec plus de 136 000 milliards de francs Cfa. Cette manne financière a servi à la construction de diverses infrastructures de dernière génération, notamment un aéroport entièrement construit et mis en service (Hamad International Airport), une plateforme portuaire moderne et attractive, un système de métro (Doha Metro) long de 76 km avec 37 stations, huit (8) magnifiques stades climatisés et plusieurs centres sportifs, plus de 100 réceptifs hôteliers avec la présence des plus grandes marques du monde, une nouvelle ville moderne et smart (Lusail City) bâtie sur 38 km2 avec une architecture unique, une île artificielle avec des hôtels flottant sur l’eau et qui sont d’un luxe insolent, des appartements et villas de luxe, des centres commerciaux de rang mondial, divers attraits touristiques à travers le pays, des espaces de détente et de loisirs, entre autres. Et malgré cette longue liste, inachevée d’ailleurs, le coût des investissements est encore jugé exorbitant par certains voisins (concurrents) et une bonne partie de l’opinion internationale, en particulier les Occidentaux.

Cependant, il est évident qu’en mobilisant des ressources financières pour investir dans le transport, la santé, les aménagements touristiques et de loisirs, les infrastructures publiques, la sécurité, le cadre vie, etc., l’Etat n’attend pas un retour sur investissement en termes de recettes, il s’attend plutôt à des transformations positives à travers le pays et un impact réel sur les populations dans les court, moyen et long termes. D’ailleurs, l’organisation de méga événements internationaux de la dimension de la Coupe du monde ouvre des fenêtres d’opportunités de politiques publiques pour «maximiser le développement» et «servir la société», tel que décliné dans la vision 2020-2023 de la Fifa en ses objectifs 7 et 11. Aussi, face aux critiques relatives au coût de l’événement, les autorités qataries tiennent à préciser à qui veut l’entendre, qu’une bonne partie des investissements attribués à l’organisation de la Coupe du monde 2022 s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la Vision Qatar 2030 (Qatar National Vision 2030). Celle-ci est déclinée en un Plan national de développement à l’horizon 2030, élaboré depuis juillet 2008, soit 2 ans avant sa désignation comme pays-hôte du Mondial 2022. Cela nous amène d’ailleurs à nous interroger sur les motivations et objectifs stratégiques du Qatar en abritant le Mondial 2022 et en y mettant autant de moyens : La Coupe du monde n’était-elle pas, pour le gouvernement qatari, une stratégie d’embarquer le monde entier dans la mobilisation des ressources nécessaires à la matérialisation de la Vision Qatar 2030 ?

Etait-elle un prétexte pour les Qataris de prouver au reste du monde qu’ils n’ont pas que le pétrole et le gaz à offrir ?

N’était-elle pas un moyen pour le Qatar de changer la perception de la planète vis-à-vis du monde arabe de manière générale et du Qatar en particulier ?
N’était-elle pas une opportunité pour le Qatar de convertir sa richesse en développement socio-économique et de faire du Qatar «the best place to be» dans le Moyen -Orient ?

Autant de questions que nous inspire la Coupe du monde Qatar 2022.  Toutefois, les autorités qataries, à travers le Secrétaire général du Comité d’organisation du Mondial 2022, Hassan Al Thawadi, affirment que l’événement a été une «opportunité unique de développement économique, urbain et environnemental pour le pays».  Dans le même sillage, l’Emir du Qatar avait, en prélude à l’ouverture du Mondial 2022, magnifié les réformes et progrès que le pays a pu accomplir, tout en faisant part de sa reconnaissance pour le «coup de projecteur» que la Coupe du monde leur a offert ; ce qui, selon lui, les a inspirés à faire des changements à la «vitesse de la lumière». Quels sont alors ces progrès et changements dont le Qatar est si fier et qui suscitent tant de réactions à travers le monde ? Quel est l’impact de la Coupe du monde sur l’Emirat du Qatar et le Peuple qatari ?  En effet, il est clair que la Coupe du monde 2022 a été une vitrine de communication extraordinaire pour le Qatar, qui a été à la Une de toute la presse internationale pendant douze (12) ans et le sera encore les années à venir au regard de la réussite et de l’ampleur de l’évènement tant du point de vue de l’organisation que du contenu en termes d’exploits, de prestation, de spectacles, de qualité, de surprises, d’émotions, etc.
En effet, les autorités qataries, les dirigeants de la Fifa, les ambassadeurs et influenceurs désignés pour promouvoir la Coupe du monde Qatar 2022 avaient fait le tour de la planète pour convaincre le monde des capacités de l’Emirat du Qatar à faire du Mondial 2022 un événement mémorable, unique et sans précédent. Ce faisant, ils ont vendu l’image d’un Qatar authentique, paisible, attractif et atypique, conciliant ouverture et conservatisme, modernité et tradition.  C’est dans ce cadre que l’Emir du Qatar, Cheikh Tamim ben Hamad al-Thani, avait affirmé devant le Président français Emmanuel Macron, lors d’une visite officielle à l’Elysée en 2018 : «On sait qu’il y a beaucoup de choses qui circulent ici en France sur le Qatar. Mais tout le monde sait que beaucoup de choses dites contre le Qatar ne sont pas vraies.» Plusieurs occasions similaires ont permis à l’Emir et aux officiels qataris de présenter les opportunités d’investissement au Qatar et de «rétablir» l’image de leur pays qui a fait l’objet de plusieurs attaques et accusations depuis l’annonce de sa désignation comme pays-hôte du plus prestigieux évènement mondial.

Sur le plan touristique, le Qatar a su, en un temps record, se positionner comme une destination de rang mondial grâce à la qualité de ses infrastructures touristiques et son offre de service haut de gamme, notamment le sous-secteur de l’hôtellerie qui s’est bonifié de la concurrence entre les plus grandes chaînes hôtelières du monde dont l’implantation a été favorisée par le Mondial 2022.
Aussi, relativement aux flux de touristes, le Qatar a accueilli plus d’un (1) million de visiteurs pendant le Mondial 2022 qui a enregistré trois millions quatre cent quatre mille deux cent cinquante-deux (3 404 252) spectateurs selon l’Agence de presse qatarie (Qna), faisant de l’évènement la troisième meilleure affluence pour une Coupe du monde de football, derrière les Etats-Unis en 1994 et le Brésil en 2014. Ces statistiques sont d’ailleurs confirmées par la Fifa, qui indique aussi que le taux de remplissage des stades était de 96,3%. Ces résultats ont été obtenus malgré les campagnes de diabolisation du Qatar et appels au boycott par certains groupes et plusieurs lobbys internationaux.  Sur le plan de l’événementiel sportif, le Qatar a surpris et émerveillé le monde de par son ingéniosité, ses aptitudes à abriter de méga événements, son talent, son sens de l’organisation et sa capacité d’adaptation face à des situations inattendues. Le succès qu’ont connu les multiples événements de différente nature qui ont précédé le Mondial 2022, notamment les Jeux panarabes et la Coupe d’Asie des nations de football de 2011, les championnats du monde de handball en 2015 et les Mondiaux d’athlétisme en 2019, en est une illustration.  En ce qui concerne les relations internationales, le Mondial 2022 a été un puissant levier pour le Qatar en matière de développement de nouveaux partenariats et de lobbying sur tous les plans.  En effet, de l’annonce du Qatar comme pays-hôte au déroulement du tournoi, plusieurs accords commerciaux, de partenariats économiques, de coopération, etc., ont été signés en faveur des entreprises et de l’Etat qatari dans presque tous les domaines. Au même moment où il était dans une recherche effrénée d’investisseurs étrangers, le Qatar, à travers son Fonds d’investissement souverain, s’était lancé dans une grande offensive d’investissement à l’étranger dans plusieurs secteurs stratégiques. Le volume de ses investissements à l’étranger est aujourd’hui estimé à plus de 330 milliards de dollars. Le rachat, en juin 2011, du Paris Saint-Germain, plus puissant club français et un des plus grands clubs du monde, en est un exemple éloquent. Sur le plan diplomatique et géopolitique, le Mondial 2022 a permis au gouvernement qatari d’implémenter avec altruisme une politique diplomatique de «soft power» qui se définit comme étant la capacité d’un Etat à «influencer et à orienter les relations internationales en sa faveur». Aussi, il a accéléré la présence et la notoriété du Qatar à l’étranger et lui a permis de faire constater sa situation de «pays médiateur» et de «pays refuge», signe de paix et de stabilité dans une sous-région rythmée par des crises qui se relaient les unes aux autres.

En outre, le Mondial a permis au Qatar de recevoir simultanément des dizaines de chefs d’Etat, de gouvernement, de ministres, d’investisseurs, de chefs d’entreprise, de dirigeants d’organisations internationales de tout rang, les plus grandes stars du monde dans presque tous les domaines, notamment le sport, la mode, l’art et la culture.

Par ailleurs, des événements de la trempe d’une Coupe du monde ont l’avantage de booster la participation et l’engagement citoyens, de favoriser l’intégration sociale et de changer les mentalités. Le Mondial est ainsi une activité de compétition, mais également de brassage et de diversité culturelle. En suivant la réaction des Qataris vis-à-vis du Mondial, on se rend compte que l’événement a titillé l’orgueil national qui a provoqué un sentiment collectif du Peuple qatari qui s’est uni comme un seul homme pour relever le défi de l’organisation de l’événement. En outre, la réussite de l’événement et l’audience de la Coupe du monde, qui a été suivie jusque dans les coins et recoins de la planète, ont rendu fiers les Qataris qui se sont sentis plus estimés, plus capables et plus confiants.
En définitive, le Qatar a été, pendant plusieurs jours, la destination privilégiée du monde entier et le carrefour des sommités et décideurs mondiaux. Et le coup de projecteur dont il a bénéficié nous a permis de découvrir un pays sûr, ancré dans sa culture et ouvert au monde, un pays ultra moderne et smart. Nous avons aussi découvert un pays intelligent, confiant, ambitieux et soucieux d’un développement durable qui tient compte de sa culture et de son mode de vie.
A l’image du Mondial qui a eu un impact réel sur le Qatar, notamment dans sa volonté de diversifier son économie, les Jeux Olympiques de la Jeunesse (Joj) Dakar 2026 doivent s’inscrire également dans cette dynamique. Cet événement mondial dont l’organisation est confiée au Sénégal, a sans doute ouvert une fenêtre d’opportunités pouvant permettre au Sénégal d’accélérer le processus de construction des infrastructures dans le cadre du Plan Sénégal émergent à l’horizon 2035.  Le Sénégal peut bel et bien capitaliser sur les Joj Dakar 2026, comme lors du 15ème Sommet de la Francophonie tenu les 29 et 30 novembre 2014 qui avait favorisé la construction (par l’Etat du Sénégal avec l’aide de ses partenaires) du Centre international de conférences Abdou Diouf (Cicad) de Diamniadio (Dakar). Le Cicad a été un accélérateur pour les projets de Diamniadio et est devenu aujourd’hui le réceptacle des grandes rencontres nationales et internationales qui se déroulent au Sénégal.

Donc, oui le gouvernement qatari a mobilisé et investi des sommes astronomiques dans la période comprise entre l’annonce de sa désignation comme pays-hôte de la 22ème édition de la Coupe du monde en 2010 et le déroulement du tournoi en 2022. Mais la nature et la destination des investissements nous indiquent clairement qu’ils rentrent dans le cadre d’une stratégie de diversification de l’économie qatarie et de reconstitution du pays de manière générale.

D’où notre conviction que même si le Qatar a été le premier pays à être éliminé du tournoi, il reste le vrai gagnant de la Coupe du monde 2022 au regard de toutes les retombées sociales, économiques et politiques imputables aux préparatifs et au déroulement de celle-ci.
Ismaïla DIONE
Directeur de la Réglementation touristique
Ministère du Tourisme et des Loisirs
Diplômé en administration publique à l’Université nationale de Séoul
dioneismapro@gmail.com

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