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TÉMOIGNAGE : AÏSSATOU, 50 ANS, MUTILÉE À 7 ANS ET TRAUMATISÉE À VIE

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TÉMOIGNAGE : AÏSSATOU, 50 ANS, MUTILÉE À 7 ANS ET TRAUMATISÉE À VIE
Prisca Korein, a 62-year-old traditional surgeon, holds razor blades before carrying out female genital mutilation on teenage girls from the Sebei tribe in Bukwa district, about 357 kms (214 miles) northeast of Kampala, December 15, 2008. The ceremony was to initiate the teenagers into womanhood according to Sebei traditional rites. REUTERS/James Akena (UGANDA)

Appelons la Aïssatou Barry (nom d’emprunt). À 50 ans, la mère de famille garde encore les stigmates de ses mutilations génitales. Les blessures remontent à 43 ans. Mais, Aïssatou s’en souvient comme si c’était aujourd’hui. La douleur est restée intacte.

À 7 ans, Aïssatou Barry avait été victime d’une mutilation génitale. Sans anesthésie, on lui avait fait une ablation du clitoris, des petites lèvres et de l’essentiel des grandes lèvres avant de lui recoudre ce qui restait de son vagin. « Nous étions plus d’une vingtaine de jeunes filles à l’époque. Une cérémonie a été organisée pour la circonstance. On nous avait conduites derrière le village, sous un grand arbre où nous attendait l’exciseuse. Elle nous coupait le clitoris une à une avec un petit couteau qu’elle n’avait pas anesthésié. J’étais plus malchanceuse de tout le groupe car, elle m’avait blessée avec son couteau. J’avais saigné abondamment pendant deux jours. Pour arrêter l’hémorragie, on me soignait avec des feuilles d’arbre », raconte Aïssatou Barry.

« Elle nous coupait le clitoris une à une »

En effet, si elle se souvient de toute cette histoire, c’est grâce à sa grand-mère. Celle-ci lui a tout racontée. « Quand j’ai constaté la blessure sur mon sexe, je m’en suis ouverte à ma grand-mère. Elle m’a avouée que c’est l’exciseuse qui m’avait blessée en me coupant le clitoris », narre-t-elle, la voix empreinte d’émotion. À l’en croire, c’est sa tante qui l’avait conduite chez l’exciseuse sans l’aval de ses parents. Mais, ces derniers ne pouvaient pas s’y opposer parce que chez eux, l’excision est une tradition pour ne pas dire une obligation pour toutes les jeunes filles. Et tout parent qui s’aventurerait à s’opposer à l’excision de sa fille, serait maudit par tout le village. « On disait dans notre village que l’excision permettait à la jeune fille de se garder jusqu’au mariage. C’est-à-dire qu’elle n’osait pas entretenir des rapports sexuels avant leur mariage. En sus, nos mères contaient que les filles qui ne sont pas excisées sont des nymphomanes.
Donc, c’est compte tenu de tous ces facteurs que l’excision était légalisée au village. En plus, les femmes qui refusent d’exciser leur fille sont reléguées au second plan. Elles sont exclues de la société. Elles ne sont conviées à aucune des cérémonies. Elles ressemblent à des prisonnières »
, explique la dame.
Mariée à l’âge de 14 ans, Aïssatou avait était confiée à sa belle-mère. Un an plus tard, son époux décide de la « prendre ».

Mais, il fallait d’abord l’emmener chez le médecin pour découdre les grandes lèvres et les petites lèvres. On l’avait encore blessée. « Quand j’entretenais des rapports sexuels avec mon époux, je pleurais de toutes mes larmes. Cela me faisait mal parce que la plaie n’était pas cicatrisée. Je n’arrive toujours pas à oublier cela. Cela me fend le cœur à chaque fois que j’y pense », se confie Aïssatou Barry qui se souvient également de sa petite sœur qui est passé de vie à trépas à cause de l’excision. « Elle avait perdu beaucoup de sang. On disait qu’elle était envouter par les mangeuses d’âme jusqu’à ce qu’elle perde la vie », renseigne-t-elle. Aujourd’hui, Aïssatou Barry lutte contre les mutilations génitales à Kédougou. Elle fait tout pour que cette pratique soit bannie mais, elle est loin de gagner le pari puisqu’il y a des familles qui tiennent toujours à ce rite comme à la prunelle de leurs yeux.
emedia.sn
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