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Dr. Socé Fall, DG adjoint de l’Oms : «Les variants peuvent conduire à une revaccination des populations»

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Dr. Socé Fall, DG adjoint de l’Oms : «Les variants peuvent conduire à une revaccination des populations»

Le Directeur général adjoint de l’Oms, le Docteur Socé Fall, redoute que la multiplication des variants n’entraîne un changement de la composition des vaccins et, par conséquent, une revaccination des populations. Sa crainte est d’autant plus fondée qu’il a été noté une circulation accrue du virus chez les bisons, gorilles, chats, chiens domestiques, les grands félins en captivité. Ce qui augmente les risques de mutations et d’émergence de « variants à problèmes ». Entretien.

Pensez-vous que le Sénégal est sur la bonne voie pour la gestion maîtrisée de la pandémie de la Covid-19 ?

Permettez-moi de saluer le courage et l’engagement du personnel de santé au Sénégal. Le personnel a fait preuve de courage et de professionnalisme devant cette pandémie sans précédent. Je voudrais aussi saluer les sacrifices de la population et les efforts menés par les autorités pour se protéger. Lutter contre une pandémie n’est facile pour aucun pays. Le Sénégal n’est pas une île isolée du reste du monde. Nous ne pourrons vaincre la pandémie que par des efforts concertés et cohérents dans tous les pays, dans un esprit de solidarité. Le Sénégal est passé par plusieurs phases avec des points forts et des points faibles qui serviront de leçons pour la suite et pour le futur. Dans une épidémie qui dure, il faut toujours des ajustements stratégiques, tactiques et opérationnels. Pour cela, il faut d’abord comprendre pourquoi le nombre de cas et de décès baisse ou augmente. Les périodes de baisse doivent être mises à profit pour mieux comprendre la dynamique de transmission et ses déterminants dans le pays pour prévenir ou contenir une nouvelle flambée. Le séquençage génomique doit être mis à l’échelle pour savoir s’il y a une circulation de variants moins virulents donc plus silencieux et par conséquent sous détectés. Une circulation à bas bruit peut entrainer d’autres mutations additionnelles et donner des variants plus virulents. Nous ne devons donc pas baisser la garde d’autant plus que les variants à problèmes circulent partout dans le monde et peuvent être à l’origine de nouvelles flambées au Sénégal. Nous devons comprendre le niveau de circulation du virus avec des études représentatives de séroprévalence régulières et renforcer la surveillance en utilisant la surveillance sentinelle. Il existe des sites de surveillance de la grippe avec l’Institut Pasteur de Dakar qui doivent être mis à profit. Le Sénégal a bien fait de lancer, au plus vite, sa campagne de vaccination. Aujourd’hui, il est plus facile d’avoir accès aux vaccins au Sénégal qu’en Suisse pour les personnes vulnérables. Il y a encore une quinzaine de pays dans le monde où la vaccination n’a pas encore commencé. Les efforts du Sénégal sont à saluer. La vaccination doit être intégrée dans le plan global de riposte. Il est aussi impérieux de tenir compte de la dynamique de la transmission et des spécificités de certaines professions et quartiers avec une densité de population qui ne permet pas une mise en œuvre adéquate des mesures barrières.

Est-ce qu’il faudrait une discrimination positive pour les localités ou les quartiers où il y a plus de cas communautaires ?

Si la vaccination est offerte à tout le monde, il faut prioriser les zones où les conditions d’une transmission communautaire soutenue existent et où les personnes ont une activité qui les expose plus à la contamination. C’est ainsi que nous pourrons interrompre la chaîne de transmission. Il faut le dire, des défis subsistent parce que beaucoup de personnes atteintes de diabète et d’hypertension ignorent leur statut. En plus, la pandémie a eu un impact négatif sur la prise en charge des autres maladies. Il serait important d’évaluer et d’analyser l’excès de mortalité liée aux autres pathologies pour éviter que ça ne se répète pas. Au-delà des aspects sanitaires, cette pandémie a eu d’énormes conséquences socioéconomiques qu’il va falloir corriger pour relancer notre économie et je sais que les ministères et structures compétents y travaillent.

Pouvez-vous nous faire le point sur la lutte contre la pandémie sur le plan mondial, plus d’un an après la confirmation du premier cas ?

Nous sommes toujours dans une phase très active de cette pandémie. Cela fait 10 semaines consécutives que l’incidence des nouveaux cas augmente dans le monde et le record de cas a été enregistré la semaine passée avec 5,7 millions de contaminations. Nous avons dépassé les 154 millions de cas et plus de 3,2 millions de décès et ces chiffres ne tiennent pas compte des cas probables non testés. La pandémie nous a encore rappelé que l’épidémiologie ne se résume pas aux modèles mathématiques et aux analyses quantitatives. L’épidémiologie est une science complexe qui a beaucoup évolué et qui combine la biostatistique, la surveillance et l’investigation de terrain, la médecine clinique, les sciences biomédicales, les sciences sociales et des interventions de terrain etc. Lorsque l’on ne maîtrise pas le réservoir de virus et l’interaction dans les deux sens entre le réservoir animal et l’être humain, le comportement du virus, en passant la barrière des espèces, on ne peut rien prédire. Le virus circule chez beaucoup d’animaux tels que les bisons, les gorilles, les chats et chiens domestiques, et les grands félins en captivité. Cette circulation animale augmente les risques de mutation et d’émergence de variants à problème. La modélisation permet seulement de définir des scénarii de planification mais n’est pas destiné au grand public, c’est une communication de risque appropriée qu’il faut pour le grand public et un engagement communautaire. Même à l’échelle d’un pays, on peut noter plusieurs épidémies d’où l’intérêt d’une vraie décentralisation des opérations avec des équipes de districts autonomes en termes d’investigation, d’analyse épidémiologique et de riposte. L’apparition de tous ces « variants à problème » et leurs comportements doivent ramener tout le monde à plus d’humilité. Ces variants ont pratiquement remplacé le virus détecté au départ à Wuhan en Chine. On peut arriver à une situation de multiples variants avec la nécessité d’adapter régulièrement les vaccins pour changer la composition, ce qui voudra dire aussi revacciner régulièrement la population. Les « variants à problème » se transmettent plus rapidement et nous voyons de plus en plus d’enfants et de jeunes qui sont affectés et des sujets de moins de 40 ans qui ont besoin d’hospitalisation dans beaucoup de pays. Nous voyons déjà, en Inde, la circulation concomitante du variant B 1.1.7 et des variants locaux tels que le B 1.617, B 1.618 qui semblent expliquer, en partie, l’accélération de la transmission avec bien entendu les rassemblements religieux de masse et le non-respect des mesures barrières.

Pouvez-vous nous rassurer sur la fiabilité des vaccins ?

Je vais être très clair : tous les médicaments et vaccins sont susceptibles d’avoir des effets secondaires. Même un médicament aussi courant tel que le paracétamol entraîne des effets secondaires graves. C’est pour cette raison que la première phase de l’essai clinique se focalise sur la toxicité afin d’évaluer la sécurité d’emploi du candidat vaccin, son devenir dans l’organisme, le seuil de tolérance et les effets indésirables ou effets secondaires. Il est important d’avoir un bon système de pharmacovigilance après autorisation de mise sur le marché. Et, c’est une phase qui a pour but d’identifier tout effet secondaire grave ou inattendu. Dans le cadre des nouveaux vaccins, tous les pays ont l’obligation d’avoir un système de pharmacovigilance solide et de rapporter tous les effets secondaires. Plus des nouveaux médicaments ou vaccins sont utilisés à grande échelle, plus on est en mesure de détecter certains effets inattendus. Ces effets secondaires doivent être rapportés et s’il est démontré qu’ils sont liés au vaccin, chaque pays doit évaluer le rapport risques/bénéfices pour prendre une décision sur l’utilisation des vaccins. Ces effets secondaires peuvent être spécifiques à certains groupes et il faudra en tenir compte. Pour le moment, nous avons un nombre limité de vaccins inscrits sur la liste d’urgence de l’Oms bien que 88 candidats vaccins soient déjà en phase d’essai clinique. Je dois rappeler que nous avons un processus rigoureux pour évaluer l’efficacité et la sécurité des vaccins. Dans ce processus, en plus des dossiers techniques, nos équipes doivent faire des visites d’inspection pour s’assurer des bonnes pratiques cliniques mais aussi des bonnes pratiques de manufacture.

Propos recueillis par El Hadji Gorgui Wade NDOYE

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