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Photographie – Rétrospective Malick Weli à Dakar : «La religion est en train d’effacer certaines valeurs chez nous»

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Plus que son nom, ce sont ses œuvres qui font sa renommée. Quand on parle de Malick Weli à Dakar, pas sûr que l’on sache de qui il s’agit, mais il suffit de montrer ses portraits réalisés dans des lieux sacrés emblématiques de la capitale, pour savoir qu’il s’agit d’un des meilleurs portraitistes du pays. La rétrospective de ses œuvres à la Galerie Atiss, qui s’achève aujourd’hui, aura au moins permis aux amateurs de découvrir ce regard interrogateur et lucide qui ne cesse, depuis dix ans, de questionner le monde à travers l’horizon de son appareil photo.

Rétrospective à Dakar
«Ça fait 10 ans que je fais de la photographie. Mon travaille voyage beaucoup à l’étranger et je suis dans des collections privées et institutionnelles aux Etats unies, en France et ici au Sénégal. Quand on retourne chez soi, c’est bien de venir avec quelque chose. Je me suis donc dit que je devais revenir à ma terre natale et montrer mon travail à mon Peuple. Je présente 6 séries, une quarantaine de photographies au total. Sur cette exposition, je collabore avec Azu Nwagbogu, un commissaire et critique d’art nigérian qui est le fondateur de Lagos Photo Festival, qui est une plateforme pour la photographie en Afrique, et la galerie Atiss Dakar accueille l’exposition. J’ai une pratique de 10 ans et en quelque sorte, c’est une rétrospective de mes dix ans. En termes de chronologie, au rez-de-chaussée, il y a ma première série photographique que j’ai réalisée en noir et blanc argentique qui fait référence au style de portrait de Studio. Au fur et à mesure que vous montez les étages, vous voyez l’évolution de mon travail. En somme, c’est le résultat d’un travail de dix ans.»

Le portrait
«A travers le portrait, je traite d’identité, de spiritualité, d’histoire, de culture matérielle et restitution, non pas d’objets, mais de mémoires, de pédagogies et d’identité déplacée. Etant artiste, je ne donne pas de réponses, mais je questionne simplement la religion via la spiritualité à travers un medium qui est la photographie. Les livres que tiennent mes personnages font l’objet de beaucoup d’interprétations, mais ça peut être n’importe quel livre. En fait, c’est un livre programmatique, imaginaire, que moi-même j’ai décidé d’utiliser comme un symbole d’union et d’égalité entre les religions. Toutes les religions n’ont pas un livre rouge, mais pour moi, ce livre symbolise ce lien qui nous unit. Je fais de la photographie mise en scène, et souvent je dis que c’est comme la cuisine. La prise de vue est la partie la plus éphémère. Quand je décide de travailler sur un sujet, il faut qu’il soit bien exploré. Il me faut questionner ce que je veux faire et ça me prend 18 mois à 2 ans pour faire une série. Sur Spiritual phenomena, qui parle des phénomènes spirituels dans les religions, c’est moi qui, étant artiste venant d’ici, une terre très paisible où les gens vivent en commun, chrétiens comme musulmans, essaie de représenter ça et d’aller au-delà, c’est-à-dire questionner nos rapports avec l’humanité. Il n’y a pas que la religion qui compte, il y a un sens très humain qui est présent dans cette série et le titre dit tout. Les phénomènes spirituels questionnent la mort, la présence et l’absence, tous nos rapports avec le reste de l’humanité. Anonym(us) est une série que j’ai faite après un séjour en Basse-Casamance, chez les Manjaks. Quelque chose m’a beaucoup touché dans la religion animiste, c’est la présence de la nature. Les Manjaks ont un rapport sacré avec le bois qui est présent dans leur quotidien. Ça en dit long sur leurs rapports avec l’environnement et cette série parle de ça. J’ai utilisé ces pagnes tissés que cette communauté est réputée faire et la série parle aussi de la réincarnation, des esprits, de nos rapports avec ces esprits. La série Kabaret met en lumière ces artistes marocains d’une troupe théâtrale qui interprètent les classiques de ces femmes que l’on appelait Chikhats qui signifie prostituées. Ce sont des femmes insoumises en fait, et qui chantaient des chansons de résistance. Ces hommes reprennent les rôles de ces femmes et sur scène, ils se déguisent en femme avec perruque, maquillage, etc. Quand je les ai rencontrés, j’ai fait une référence au Tajaboon. C’est une culture chez nous et je voulais faire le parallélisme entre les deux cultures dans un contexte arabo-musulman assez complexe. Quand on évoque au Sénégal le sujet des Lgbt, c’est très complexe, alors qu’avant, on voyait autour de nos mamans, des goorou mbotay qui ne sont pas des homosexuels, mais qui faisaient l’animation des tontines. Et après, ils retournaient dans la société sans problème. Je défends nos valeurs et la religion est, je ne veux pas dire contraignante, mais il y a certaines valeurs qu’elle est en train d’effacer chez nous et qu’on gagnerait à garder. Je pense que nous, Africains, avons connu Dieu avant tout le monde et je préfère la cohabitation entre nos religions ancestrales et ces religions importées.»

Mon travail
«Mon travail demande une très grande préparation. Je fais de la photographie mise en scène. Toutes ces photographies que je créées, demandent une certaine préparation. Quand je décide de travailler sur un sujet, je prends le temps de faire des recherches. Tous ces espaces religieux, communautaires, je prends le temps de comprendre la culture visuelle, la charte de couleur, etc. La prise de vue vient après quand tout est réuni. La photographie mise en scène demande une certaine rigueur à prendre en considération. »

Moyens financiers
«Pour beaucoup de mes séries, je me suis auto-financé. Le travail de l’artiste est quelquefois très solitaire, on n’attend pas que quelqu’un vienne financer notre travail. Ça demande quand même beaucoup de moyens. J’ai eu la chance d’avoir eu très tôt, une représentation internationale qui m’a permis d’être vu dans les foires d’arts et les expositions à l’international.»

Comment je suis venu à la photo ?
«Je suis venu à la photo par curiosité. Si je n’étais pas photographe, je serais quand même devenu artiste. A bas âge, je taquinais la musique et mes parents n’étaient pas du tout d’accord. Mais j’ai quand même réussi à suivre mes études jusqu’à un certain niveau d’études, dans un cursus ingénierie financière, et après mes études, j’ai tout arrêté pour me consacrer à l’art et la photo est venue. Je l’ai toujours pratiquée dans ma vie et c’était le medium le plus accessible si je voulais pratiquer un art. Aujourd’hui, je suis un artiste visuel et je me sers de la photo pour m’exprimer. Et avant d’arriver à la photographie d’art, je faisais de la photographie de presse. J’ai collaboré avec la presse internationale, avec beaucoup de magazines. La photographie d’art commence à être connue parce qu’aujourd’hui il y a une présence des photographes africains sur la scène internationale. Mais restent méconnus au Sénégal. Les premiers photographes africains sont pourtant sénégalais, et je peux citer Meïssa Guèye et Mama Casset, et nous, cette nouvelle génération de photographes contemporains qui essayons de montrer notre culture africaine, notre vision de l’Afrique, commençons à gagner notre place à l’international.»

Film sur Omar Ben Saïd
«Le film Fogotten paradise : Dream the other side of the River, «(Paradis oublié : Rêver l’autre côté de l’atlantique) parle de la vie d’un esclave, Omar Ben Saïd, qui vient du Fouta et qui est devenu une figure emblématique dans l’histoire des Etats-Unis. Dans ce projet que j’ai fait avec ma collaboratrice, Charlotte Brathwaite, qui est réalisatrice et qui vient du théâtre, on est allés sur les traces de Omar Ben Saïd à Alwar. On a tourné le film là-bas, et ça rejoignait quelque part ses origines parce qu’elle vient de la Barbade. Je l’ai rejointe dans ce projet qui parle des souvenirs, des cauchemars de l’érudit esclave, Omar Ibn Saïd. C’est un projet qui m’est vraiment cher parce que ça parle de quelqu’un qu’on ne connaissait pas ici. Etant sénégalais, je l’ai découvert sur les livres d’histoire et ça m’a fait réfléchir. Ça parle du voyage, de la traversée, du retour et de ses souvenirs. Des gens au bord de la plage, espérant voir leurs ancêtres revenir.»
Propos recueillis par Mame Woury THIOUBOU (mamewoury@lequotidien.sn)

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