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Pollution marine à Hann village : les pêcheurs dans le creux de la vague

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Pollution marine à Hann village : les pêcheurs dans le creux de la vague

La pêche a payé un lourd tribut à la pollution de la baie de Hann. Les pêcheurs sont contraints de passer plus de jours en mer pour avoir une bonne prise. Aujourd’hui, ils nourrissent l’espoir de retrouver leur paradis perdu avec le projet de dépollution en cours de mise en œuvre.

S’il y a des gens qui attendent avec impatience la dépollution de la baie de Hann, c’est bien les pêcheurs de Hann. Trouvé au quai de débarquement du quartier, le samedi 5 juin 2021, les yeux rivés sur la mer, le pêcheur Massamba Ndiaye, quadragénaire, fonde beaucoup d’espoir sur le projet de dépollution de la baie de Hann. Souffrant d’une maladie, il n’est pas allé à la mer, préférant attendre, au quai de pêche, ses camarades partis à la recherche du poisson. Il est convaincu que les ordures déversées dans la mer ont poussé les poissons à fuir les côtes. « À l’époque, à moins de 100 m de la plage, on pouvait pêcher et avoir beaucoup de poissons. Vous constaterez avec nous que, de nos jours, nos captures ont fortement baissé », se plaint le vieux pêcheur.

La chute des prises découle de la pollution marine à Dakar, surtout de la plage de Hann mais aussi de la surpêche. Il révèle que les pêcheurs sont contraints d’aller en haute mer dans l’espoir de bonnes captures. Dans le passé, se souvient Massamba Ndiaye, 5.000 francs Cfa de carburant suffisaient largement pour aller pêcher et revenir avec une pirogue bien remplie. Aujourd’hui, le constat est tout autre. « Il nous faut débourser 15.000 Francs Cfa pour acheter du carburant sans avoir la garantie de rentrer avec du poisson », souligne le vieux pêcheur, relayant ainsi les complaintes ambiantes au quai de pêche de Hann village.

Lors de notre passage, les reflux des eaux noirâtres déposaient des sachets en plastique, des poissons pourris, des viscères, des algues sur le rivage. Ici, on n’ose pas respirer à pleins poumons. L’odeur est rebutante. L’ancienne merveille de la nature qu’était la baie de Hann est devenue un véritable dépotoir d’ordures. La dernière étude réalisée et présentée en 2020 par l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) avait mis en évidence la présence des coliformes tout au long du rivage avec des pics sur les sites de la Voile d’or et de Hann. De même, la bactérie Escherichia coli qui affectionne le tube digestif de l’homme et des animaux, a été identifiée et en abondance sur le site de Mbao. En outre, la concentration en entrecoques intestinaux dépasse la norme 76/160 de Cee. « La pollution de la baie a des impacts négatifs sur la ressource halieutique. Le taux élevé de polluants dans les eaux peut entrainer une eutrophisation du milieu et la disparition des espèces marines », analyse l’adjoint au chef de service des pêches au poste de contrôle de Hann, Nogaye Diop.

L’une des conséquences négatives de cette pollution, c’est la rareté des ressources halieutiques sur cette partie du littoral qui fut jadis poissonneuse. « La baie est restée trente ans sans être nettoyée. Il y avait des gens qui jetaient des ordures, des pirogues abîmées sur la plage », déplore Adama Diop, un mareyeur. À son avis, la présence de pirogues le long du rivage atteste de la raréfaction du poisson. Mbour, Joal, Ziguinchor sont les nouvelles aires de pêche pour les pêcheurs de Hann. La dépollution de cette baie permettra d’améliorer, de manière significative, la performance et les rendements des pêcheurs établis dans cette partie du littoral.

Perturbation du cycle de reproduction des poissons

La pollution marine a de lourdes conséquences sur la biodiversité marine. La concentration des polluants dans les zones de ponte est à l’origine de la perturbation du cycle de reproduction des poissons. « Une zone de ponte est un lieu de refuge des femelles en gestation. S’il y a une centration des polluants solides et liquides, cela peut perturber le milieu et faire fuir les espèces », explique Nogaye, adjointe au chef de service des pêches au poste de contrôle de Hann.

CANAL 6 DE YARAKH

Le collecteur, source de toutes les nuisances

Le canal 6, conçu initialement pour recevoir les eaux pluviales, est le collecteur qui a le plus contribué à défigurer la baie de Hann, à cause des déchets liquides et solides.

Le canal 6 de Yarakh a longtemps servi de déversoir d’eaux usées et de déchets solides de toutes sortes sur la baie de Hann. Aujourd’hui encore, le spectacle qui s’offre aux visiteurs au quai de pêche de Yarakh où ce collecteur débouche est désolant. Des ordures de tout genre obstruent le canal, bloquant ainsi l’écoulement de l’eau. Une odeur nauséabonde s’y dégage. Long d’une dizaine de kilomètres, cet émissaire, qui a été conçu pour l’évacuation des eaux pluviales et qui traverse plusieurs quartiers de Dakar, charrie des immondices dans la mer, à partir de Hann. Les effluents rejetés, mélangés aux déchets solides, accélèrent l’acidification des eaux en réduisant, du coup, la concentration de l’oxygène. Jadis, cette plage fut un impressionnant bassin naturel qui s’étendait sur 14 km, longeant les quartiers de Hann Marinas, Thiaroye sur Mer, Mbao, Rufisque et Bargny. La bordure de cette plage était parsemée de cocotiers joliment rangés, l’eau limpide, faisant de la baie une merveille de la nature. Aujourd’hui, tout ce décor a changé. C’est vers les années 1980 que la pollution de la baie de Hann a commencé à prendre des proportions inquiétantes avec l’industrialisation des quartiers alentours et la création d’une zone franche.

Avant la restructuration du quartier traditionnel de Hann village, les riverains, face à l’absence de système d’assainissement collectif et d’évacuation des eaux usées, rejetaient directement les déchets ménagers sur la plage et à la mer. Cette situation a été favorisée par le fait que les camions de ramassage d’ordures ne pouvaient pas accéder au quartier pour collecter les déchets. L’état hyper pollué de la baie de Hann a fait apparaître des maladies dermatologiques et diarrhéiques.

Idrissa SANE- lesoleil.sn

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