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Vieilles maisons à la Médina, au Plateau : Les immeubles de la honte en plein cœur de Dakar

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L’effondrement d’un immeuble à Hann Bel-Air au début du mois a provoqué la mort de six personnes dont deux enfants de 2 et 5 ans et plusieurs blessés. Ce n’est pas uniquement dans ce quartier où l’on trouve des maisons dans un état de délabrement avancé. Le péril est aussi visible au cœur de Dakar, notamment au Plateau et à la Médina. Reportage.

C’est un immeuble vétuste qui peut s’écrouler à tout moment. Niché au quartier Plateau de Dakar, à la rue Tolbiac X Grasland, l’état de dégradation des différents compartiments de cet habitat est saisissant. La façade est fissurée de toutes parts. Une partie du balcon a cédé. Les détritus restent suspendus sur la tête des passants de cette rue de forte intensité commerciale. Les occupants sont partis ailleurs, laissant derrière eux un bâtiment dont l’état est susceptible de compromettre la sécurité publique. Car au bas de la maison, se tient un magasin. Derrière son comptoir, le commerçant reçoit le ballet incessant de clients. A l’extérieur pendant ce temps, des jeunes déchargent des cartons d’un camion. A côté, un vendeur de café sert un client en toute tranquillité. C’est sous ce balcon menaçant ruine qu’a choisi de travailler un vendeur de petits articles sous une bâche. «Les passants doivent faire très attention à ce bâtiment qui peut tomber à tout instant, surtout les vendeurs qui sont là», conseille Ibrahima Téli, de nationalité guinéenne, trouvé assis sur son pousse-pousse à quelques mètres de la maison en danger.
Le véritable danger, il n’est pas loin. Avec cette autre concession remplie de locataires à la rue Tolbiac X Grasland, le péril est permanent. A première vue, difficile d’imaginer que des gens vivent dans cet immeuble. Au balcon, l’on aperçoit deux femmes. Les habits accrochés sur la ligne aux premier et deuxième étages témoignent également de la présence d’individus, comme indiqué par les personnes interrogées en bas de l’immeuble. «Je n’ai pas l’esprit tranquille dès que je mets les pieds ici. Walahi, j’ai très peur. C’est même risqué de passer par cette rue», déclare ce vendeur de portes au parc Lambaye situé en face. Habillé d’un jean bleu couplé à une chemise, cure-dents dans la bouche, Abdou Diouf ne quitte pas du regard cette maison qui menace ruine. Il ne cesse de penser aux conséquences en cas de désastre, confesse-t-il. «Cela fait des années que ce bâtiment est dans cet état-là. Je pense que si les locataires avaient le choix, ils allaient tous quitter cette maison. D’ailleurs, il y a parmi eux des gens qui sont partis. Mais à chaque fois, il y a de nouveaux qui viennent louer les appartements. Ce sont les balcons qui menacent ruine mais le reste du bâtiment est très solide, dit-on. Parce que j’ai entendu dire qu’à l’intérieur, même avec une pointe, il est très difficile de percer le mur. Mais cela ne me rassure pas du tout», laisse entendre ce commerçant présent ici depuis plus de 33 ans. Il est convaincu que «les autorités sont bel et bien au courant. Elles ne réagissent jamais. Elles attendent qu’un drame se produise pour venir barricader les rues pour nous empêcher de travailler».
Pour l’heure, commerçants et acheteurs vaquent à leurs occupations en cet après-midi d’octobre. «Ndox ! Ndox ! Ndox !», (de l’eau ! de l’eau !, de l’eau !), répète un vendeur d’eau fraîche. A proximité d’une vendeuse de café, motos, tricycles y sont garés. C’est devant Mbaye Diouf, établi ici depuis de 40 ans. Il connaît le quartier comme les bouts de ses doigts. «L’état de ce bâtiment ne nous arrange pas nous les riverains, les occupants, n’en parlons pas», avance l’homme à la chevelure blanche. Ce dernier essaye d’analyser l’état de santé financière de ces familles qui, malgré le risque, préfèrent habiter ici. «Ce sont des familles entières qui sont logées ici, qui n’ont pas les moyens d’aller se payer des appartements ailleurs, parce que le loyer est très élevé à Dakar. Si elles arrivaient à trouver un logement à leur portée et capable de contenir tout le monde, ce qui est difficile à trouver, c’est sûr qu’elles n’hésiteront pas à partir. Je crois que cette situation est due à un manque de moyens», raisonne le vieux.
L’inquiétude grandissante des riverains ne concerne pas seulement cette maison, il y a également celle qui jouxte. Peinture jaune complétement dégradée, fenêtres arrachées, fer de béton à l’extérieur, faux plafond troué de partout, tel est le décor. Sur le mur fendu a poussé un arbuste comme dans une forêt. Ces deux immeubles ne sont pas les seuls qui menacent de s’effondrer en plein cœur de Dakar.
Rue Robert Brun X Fai­dher­be. Une maison abandonnée. Porte principale, magasin, portes à l’étage sont tous fermés. Sous les balcons détériorés, un homme tient une horlogerie sans se soucier du danger. Cet horloger ainsi que toutes les personnes qui fréquentent ces lieux côtoient la mort au quotidien.
L’état de délabrement des bâtiments dans la capitale n’est pas seulement constaté au Plateau. A la Médina, ils sont nombreux également. A la rue 22 X 27, les balcons d’un grand immeuble situé à l’angle peuvent s’écrouler à tout moment. Visiblement les occupants ne sont plus là. Aucun signe de la présence d’une âme qui y vive. Par contre les magasins en bas sont occupés par des cordonniers. Un peu plus loin, précisément à la rue 13 X 20, une autre vieille maison inhabitée de deux étages. Le propriétaire a détruit les balcons. Portes et fenêtres verrouillées subissent les effets de la rouille. Cette maison attend-elle d’être rasée ou réfectionnée ? On ne saurait le dire. Ce qui est sûr, à la Médina, de nombreuses maisons sont rafistolées. La tendance est de descendre les balcons, peindre ou carreler la façade à nouveau pour donner l’impression d’avoir un nouveau bâtiment. Un phénomène qui peut présenter un danger pour la sécurité de ses occupants ou du voisinage.

msakine@lequotidien.sn

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